Brian Lee Crowley

Malgré la bombe lancée par la Cour suprême, les partisans du statu quo en matière de santé ne lâchent pas prise

Comme les choses ont changé dans le débat sur les soins de santé. Il n’y a pas si longtemps, les défenseurs du statu quo affichaient un bel air de triomphalisme. La commission Romanow avait fait preuve d’autosatisfaction dans la défense du système actuel. La phrase qui résumait toute l’approche Romanow allait comme suit: ” Il n’y a rien dans le régime public d’assurance maladie que plus d’argent ne saurait réparer. ” C’était une conclusion populaire sur le plan politique, mais que la preuve ne pouvait pas justifier.

Comme prévu, les gouvernements ont fait la queue et ont commencé à faire pleuvoir d’importantes sommes sur le système des soins de santé au grand plaisir des responsables de ce même système. L’effort investi pendant 10 ans par divers gouvernements et partis politiques pour venir à bout de la résistance irrationnelle du système à l’égard d’une participation plus grande du secteur privé (effort auquel j’ai participé à titre de membre du comité Mazankowski, en Alberta) a été relégué au second plan par le soupir de soulagement collectif des acteurs du système de soins de santé, ravis de constater que rien ne viendrait perturber leur sommeil dogmatique.

Puis vint la bombe lancée par la Cour suprême: au Québec, à tout le moins, et peut-être aussi dans le reste du pays, on ne peut pas sacrifier les patients sur l’autel de l’étrange idéologie du régime d’assurance maladie. Il peut être à la limite acceptable, a dit la Cour, qu’il existe un monopole du secteur public en matière de soins de santé à la condition que les gens soient soignés à temps. Au-delà d’un certain point, toutefois, l’affection du système public pour les queues d’attente comme moyen de limiter les dépenses de soins de santé mettent la vie et l’intégrité physique des patients en danger. Dans ces circonstances, l’interdiction faite aux patients de chercher à obtenir des soins hors du système public viole les droits des citoyens et elle doit être éliminée.

Go Leafs, go!

Pour les amateurs du statu quo, cette décision est à peu près l’équivalent de se lever au Centre Bell lors de la septième partie de la finale de la coupe Stanley et de crier Go Leafs, go!

Soudainement, ce sont les défenseurs du vieux système public, qui craque de toutes parts, qui devaient défendre leurs violations des droits des citoyens. Comme tout cela les hérissait. Récemment, le professeur Bob Evans, chef idéologue du régime public d’assurance-maladie, écrivait: ” Une Cour arrogante sur le plan de la juridiction, considérablement ignorante et politiquement irresponsable a statué que le régime public d’assurance maladie devait être restructuré pour manifester le respect dû aux droits des biens nantis et aux droits des entreprises privées de réaliser des profits, sans égard aux voeux des Canadiens ou aux répercussions sur notre institution sociale la plus importante. ”

Et un récent éditorial publié par le Journal de l’Association médicale canadienne, soutenait ceci: ” Nous devons nous souvenir qu’à peu près tout le monde s’entend pour dire que les soins de santé prodigués par le secteur privé coûtent plus cher et qu’ils sont moins efficaces que ceux fournis par le secteur public. ”

Mais comme l’auteur et humoriste Artemis Ward l’a déjà signalé: ” Ce n’est pas ce que les gens ignorent qui leur cause des ennuis, ce sont les choses qu’ils savent ne pas être réellement ainsi. ” Malgré les affirmations répétées à souhait par les sommités du régime public d’assurance maladie voulant qu’il n’existe pas de recherche universitaire sérieuse qui démontre que le secteur privé peut contribuer à abaisser les coûts ou à améliorer l’efficacité des soins, tout ce que cela illustre, c’est leur ignorance de la documentation même qu’ils citent. Par exemple, un récent examen de la documentation économique révisée par les pairs et réalisé par un économiste spécialisé dans l’étude des soins de santé, Brian Ferguson, de l’Université Guelph, démontre que les hôpitaux privés, qu’ils soient ou non à but lucratif, sont plus efficaces que les hôpitaux dirigés par un organisme gouvernemental. Sur le plan de l’efficacité, les hôpitaux à but lucratif et ceux à but non lucratif sont à peu près égaux.

Et en passant, la preuve démontre que les hôpitaux à but non lucratif se comportent de la même façon que les hôpitaux à but lucratif. Les hôpitaux à but non lucratif cherchent autant à maximiser les gains économiques que les hôpitaux à but lucratif: cela se manifeste tout simplement d’une manière différente.

Comment l’establishment a-t-il pu se tromper si misérablement? Ses tenants ont préféré tirer leurs données économiques sur les soins de santé de publications médicales qui ont publié des articles populaires, sur le plan politique, mais faibles sur le plan de l’analyse, écrits par des gens plus soucieux de défendre leur idéologie que de mener une étude véritablement désintéressée. La morale de cette histoire? Tout comme personne ne souhaiterait être traité par un médecin affirmant avoir appris sa profession dans des publications économiques, nous devrions éviter de puiser nos données économiques sur les soins de santé dans les publications médicales.

Brian Lee Crowley

 ([email protected]) est président du Atlantic Institute for Market Studies (www.aims.ca) un groupe de réflexion sur la politique sociale et économique établi à Halifax.