La solution aux dépenses excessives d’Ottawa est d’exiger que cet argent soit retourné aux contribuables. AIMS dans La Presse.
La Presse

D’un Canada à l’autre

Brian Lee Crowley

Les provinces croient qu’elles peuvent camoufler leur intention de faire main basse sur les surplus d’Ottawa derrière de grands principes en disant qu’elles veulent régler le ” déséquilibre fiscal “. Mais plus on cherche ce déséquilibre, plus il apparaît illusoire.

Contrairement à ce que le Bloc et plusieurs premiers ministres affirment, les provinces disposent de ressources adéquates. Il est vrai qu’Ottawa nous impose trop lourdement, mais c’est un argument pour baisser les impôts fédéraux et non pour augmenter les transferts aux provinces. Si les provinces veulent plus d’argent, elles devraient le recueillir elles-mêmes avec les impôts et assumer le coût démocratique de cette décision.

Ottawa a diminué la dette de 60 milliards depuis son premier budget équilibré. Cela permet d’économiser 6 milliards qui servaient à payer les intérêts de la dette. Ottawa peut maintenant les utiliser pour de nouveaux programmes, des baisses d’impôts ou pour rembourser la dette sans augmenter les impôts. En un mot, l’essentiel des surplus d’Ottawa s’expliquent par le fait que la dette est moins importante que par le passé.

Les provinces, de leur côté, à l’exception méritoire de l’Alberta, ont été beaucoup plus lentes qu’Ottawa à éliminer leur dette. À part quelques accros de l’endettement comme Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, Ottawa a une dette supérieure à celle de la plupart des provinces. En quoi la rigueur fiscale d’Ottawa donne droit aux provinces à cet argent alors qu’elles n’ont pas voulu faire preuve de la même autodiscipline est un mystère qui dépasse l’entendement.

En fait, la province qui fait le plus grand cas du déséquilibre fiscal fédéral-provincial est celle qui a fait le moins d’efforts pour régler son propre problème fiscal. Au cours de la dernière décennie, le Québec a dépensé davantage pour son gouvernement que toutes les autres provinces et il a dépensé une portion tout aussi importante de son budget en services gouvernementaux en 2004 qu’il y a dix ans. La seule province à faire pire est la Nouvelle-Écosse. Toutes les autres provinces dépensent beaucoup moins qu’elles le faisaient. Les Québécois souhaitent peut-être recevoir davantage de services de leur gouvernement provincial que les contribuables des autres provinces. Mais les Québécois devraient s’attendre à payer le prix de ces choix et non tenter d’en refiler la facture aux autres. Ils sont déjà nettement avantagés, d’un montant d’environ 300 $ par personne, dans l’entente fiscale actuelle avec Ottawa.

Quoi qu’on en dise, s’il y avait vraiment un déséquilibre fiscal favorisant Ottawa, la croissance du revenu fédéral surpasserait celle des provinces de façon constante. En fait, au cours des dix dernières années, trois provinces ont vu leurs sources de revenus croître plus rapidement que celles d’Ottawa- dont le Québec. Ottawa ne se démarque pas du lot du point de vue de la croissance des revenus. Et plusieurs des provinces se sont offert des diminutions d’impôts- étrange procédé de la part de gouvernements qui prétendent être incapables de boucler leurs budgets.

Que penser des transferts fédéraux? Lorsque les politiciens fédéraux ont entrepris sérieusement de combattre le déficit en 1995, ils ont diminué les transferts fédéraux en santé et en services sociaux à quatorze milliards. C’était vrai à l’époque, mais la situation a changé. Le total des transferts aux provinces en santé et en services sociaux passera de 27 milliards par année l’an prochain à presque 32 milliards en 2009. Les paiements de péréquation augmenteront de 2 milliards au cours de cette période. Généreux, ces transferts.

De nombreuses personnes n’approuvent pas ce qu’Ottawa fait avec les fruits de sa rigueur fiscale, souvent réinvestis dans des domaines de juridiction provinciale et dans des programmes coûteux. Mais les provinces sont tout aussi dépensières, et le fait qu’il y ait des désaccords sur la façon dont Ottawa utilise ses surplus n’est pas une raison pour donner cet argent aux provinces. La solution aux dépenses excessives d’Ottawa est d’exiger que cet argent soit retourné aux contribuables. Les provinces ont plusieurs moyens à leur disposition pour régler leurs problèmes fiscaux; il n’y a aucune raison pour qu’Ottawa le fasse à leur place.

Brian Lee Crowley est le président de l’Atlantic Institute for Market Studies (www.aims.ca/acedoc) un groupe de recherche en affaires publiques d’Halifax.