Nous sommes à la veille de personnaliser virtuellement tout ce qu’un individu souhaite

by Brian Lee Crowley

Naguère, les médias s’inspiraient du ” modèle Push ” par lequel journalistes et rédacteurs produisaient ce qu’ils voulaient et l’imposaient aux consommateurs. Les têtes dirigeantes dans les médias décidaient de ce que les gens devaient voir et de ce qui constituait ” l’opinion reçue “, laquelle aurait droit à des colonnes dans les journaux ou à du temps d’antenne. Mais cette approche se fonde sur le vieux modèle industriel de production de masse, résumé sommairement par Henry Ford. Celui-ci disait aux consommateurs qu’ils pouvaient avoir l’auto de la couleur de leur choix, pourvu que ce soit noir.

Aujourd’hui, cependant, l’économie est basée sur le ” modèle Pull “. Bientôt, virtuellement chaque voiture sera produite sur commande. Dell n’a pas de magasins, mais il permet aux gens de commander l’ordinateur personnalisé de leur choix et il en fait la livraison en quelques jours. La production est inspirée des consommateurs plutôt qu’imposée par les producteurs.

Les marchés de masse se meurent. Nous sommes à la veille de personnaliser virtuellement tout ce qu’un individu souhaite, y compris la sorte de contenu de média qu’il veut voir.

Dans les médias électroniques, par exemple, le spectre électromagnétique qui sert à la transmission des signaux radio et télé semblait hautement limité, ce qui nécessitait l’intervention des autorités publiques pour distribuer et superviser son utilisation. Bonjour CRTC.

Bientôt, toutefois, le CRTC s’ajoutera aux autres espèces disparues. Non seulement les signaux occupent-ils une partie de plus en plus étroite du spectre, mais les diffuseurs peuvent maintenant occuper la même fréquence simultanément, des récepteurs très performants étant en mesure de distinguer un signal d’un autre. Le spectre est par conséquent plus ou moins illimité.

En outre, déplacez le signal sur Internet, ou sur un satellite ou un signal de câble qui requiert un décodeur, et il quitte le domaine public et entre dans un monde privé où les gens ne choisissent que ce qu’ils veulent entendre, lire ou regarder. La diffusion large est mourante. Longue vie à la diffusion étroite!

Diffuseurs vieux jeu

La technologie détruit également le modèle d’affaires des diffuseurs vieux jeu. Dans le bon vieux temps, les diffuseurs avaient très peu de rétroaction de la part des consommateurs si ce n’est tout crûment les cotes d’écoute Neilson, et les consommateurs n’avaient pas d’autre choix que de regarder ce que la poignée de réseaux voulaient bien diffuser. Les factures étaient réglées par les annonceurs et non pas par les consommateurs.

Mais Tivo, la câblodistribution et la télé payante changent cela aussi. Lorsque vous pouvez choisir les émissions au moment qui vous convient, et zapper les pubs qui assurent le financement des canaux ” gratuits “, il s’ensuit que vous devrez bientôt payer vous-mêmes ce que vous choisissez de regarder; et personne ne va payer pour des pubs que personne ne regarde.

Même les médias imprimés seront touchés. Bientôt, nous aurons exactement ce que nous souhaitons lire livré à notre téléphone cellulaire ou à notre courriel. La couverture des nouvelles étrangères par Le Monde, les sports par USA Today et les éditoriaux de The Times, de Londres. Vous ferez le journal de votre choix, et non pas celui que les grands bonzes des médias de quelqu’allégeance que ce soit veulent que vous ayez.

Diversité de choix

Le pouvoir des consommateurs s’accompagne de la diversité de choix, non seulement en ce qui touche le fournisseur, mais également en ce qui concerne le contenu.

La mainmise de la vieille élite sur les médias tire presque à sa fin. Il y a 20 ou 30 ans, les élites des médias ” progressistes ” traquaient les présidents jusqu’à les contraindre à démissionner; aujourd’hui, les chroniqueurs en ligne de la droite populiste traquent les Dan Rather de ce monde et les poussent à la retraite, non pas simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord avec lui, mais parce que les élites des vieux médias sont maintenant tenues elles-mêmes responsables.

Si l’on vous prend à ajuster les nouvelles à vos propres préjugés lorsque vous prétendez les présenter telles qu’elles sont, on vous montrera la porte de sortie.

Nous ne sommes pas allés aussi loin qu’aux États-Unis, mais nous n’accusons un retard que d’une décennie ou moins probablement. Et lorsque les Canadiens commenceront à se rendre compte qu’ils n’ont pas à gober ce que l’opinion de l’élite veut lui imposer et qu’ils peuvent l’ignorer tout en proposant une foisonnante diversité d’opinions qui leur convient mieux, cela transformera notre politique et nos médias. Pour le mieux.

Brian Lee Crowley est président de Atlantic Institute for Market Studies (www.aims.ca) un groupe de réflexion sur la politique publique basé à Halifax.