Halifax, N-É. – L’assurance-chômage a profondément dénaturé l’économie du Canada atlantique, en étouffant la croissance économique et en empêchant le rajustement naturel que doivent entraîner les fluctuations de l’économie.

Il faudra combiner une réforme complète de l’assurance-chômage à des compressions majeures au sein du système pour combattre la dynamique de dépendance qui touche à tous les aspects de l’économie du Canada atlantique, de dire Doug May, professeur d’économie de Memorial University et Morley Gunderson, directeur du Centre for Industrial Relations et professeur d’économie de University of Toronto, auteurs de la plus récente étude de AIMS intitulée «Towards Sustainable Development in Atlantic Canada: A Case for UI Reform» (Réforme de l’assurance-chômage: un pas vers le développement durable au Canada atlantique).

Les auteurs affirment que les réformes de l’assurance-chômage proposées par le gouvernement fédéral ne s’attaquent pas sérieusement aux distorsions économiques causées par le système actuel et, bizarrement, ces réformes risquent d’aggraver l’iniquité d’un système qui favorisait déjà démesurément les familles nanties.


Une attitude de dépendance
May et Gunderson constatent que le syndrome actuel «assurance-chômage/création artificielle d’emplois – a porté atteinte aux valeurs fondamentales qui ont assuré la subsistance de familles et de communautés de génération en génération. Ces valeurs, ce sont l’autonomie et l’auto-développement.»

Un nombre grandissant de Canadiens de l’Atlantique mettent leurs énergies à «utiliser le système d’assurance-chômage et à en tirer le maximum de prestations. De plus en plus, les gens s’attendent à ce que le gouvernement leur fournisse des solutions à long terme pour les tirer du marasme économique.»

L’étude démontre comment l’assurance-chômage a créé une nouvelle dynamique au sein de l’économie des provinces de l’Atlantique: dans toute la région, les gens ont modifié leur comportement pour prendre avantage de l’assurance-chômage. Cela entrave la capacité de la région à stimuler l’activité économique et créer des emplois dans les industries de l’avenir. En raison de l’assurance-chômage, les travailleurs se laissent attirer par des emplois peu spécialisés, traditionnels et saisonniers, dans des communautés rurales; emplois qui sont subventionnés de façon démesurée par le système. Par conséquent, les gens deviennent plus attentifs aux signes du gouvernement qu’à ceux du marché, ce qui ne promet rien de bon pour l’avenir économique de la région, à moins que l’on ne révise l’ensemble du système d’assurance-chômage.

Le président de AIMS, Brian Lee Crowley, félicite May et Gunderson pour avoir «compris la dimension humaine des coûts de l’assurance-chômage: montée d’une surcapacité écrasante dans l’industrie de la pêche; effet de dissuasion sur les jeunes en ce qui concerne les études essentielles; distorsion des salaires et d’autres signes du marché de l’emploi; raréfaction des compétences de gestionnaires; et gaspillage d’un énorme potentiel d’entrepreneurship, puisque les gens consacrent leurs efforts à maximiser leurs prestations d’assurance-chômage.»


Propositions de réforme inadéquates
Les auteurs affirment que les réformes de l’assurance-chômage (rendues publiques par Ottawa l’an dernier et présentées de nouveau à la Chambre des communes récemment) ne font pas grand-chose pour corriger les distorsions économiques créées par l’assurance-chômage et aggravent l’étrange mode de distribution des prestations qui favorisait déjà les familles mieux nanties.

«Il ne faut pas reculer devant la réforme, maintenant que nous sommes en mesure de comprendre clairement les répercussions néfastes qu’a eues l’assurance-chômage sur l’économie du Canada atlantique,» affirme Doug May. Ce dernier craint que le nouveau ministre des Ressources humaines, l’hon. Doug Young, affaiblisse l’ensemble des réformes proposées par le ministre de l’époque, l’hon. Lloyd Axworthy. May s’inquiète surtout de l’effet du syndrome d’assurance-chômage sur les jeunes.

Selon les réformes, l’assurance-chômage portera dorénavant le nom d’assurance-emploi, mais le système continuera à subventionner les industries saisonnières peu spécialisées et ne touchera pas aux prestations de prolongation versées dans les régions où le chômage est élevé. Cela aura pour effet de freiner l’acheminement des ressources aux industries et aux régions de croissance et continuera à décourager le développement des compétences professionnelles.

Bien qu’avec ces réformes, les prestations aux familles bien nanties diminuent, dans la plupart des cas, les familles à bas revenu devront faire face à des réductions de prestations encore plus grandes. En effet, pour la plupart des familles dont le revenu dépasse les 50 000 $ et qui touchent des prestations, la perte subie sera inférieure à 1 pour cent du revenu disponible, tandis que la plupart des familles dont le revenu n’atteint pas les 20 000 $ devront faire face des réductions de l’ordre de 3 à 5 pour cent.

Dans l’étude, on examine deux propositions détaillées de révision du système d’assurance-chômage: la première par le «Newfoundland Royal Commission on Employment and Unemployment » qui date de 1986 et la seconde par un des auteurs de l’étude, Doug May, dans «Between a Rock and a Hard Place: Atlantic Canada and the UI trap», étude de l’institut C.D. Howe portant sur les faiblesses du système d’assurance-chômage.

Selon la première étude, il faudrait essentiellement remplacer le système d’assurance-chômage par un programme de revenu annuel garanti et de suppléments de revenu. Au lieu décourager le travail comme le fait l’assurance-chômage (on ne peut pas travailler et toucher en même temps des prestations), le programme motiverait les prestataires à trouver du travail pour obtenir un revenu supplémentaire.

Selon la proposition de May, le système d’assurance-chômage serait maintenu, mais on abandonnerait sa composante d’aide sociale (qui n’a rien à voir avec ce qui, au départ, devait être un programme d’assurance) pour avoir recours, au lieu, à des programmes de suppléments de revenu et d’allégements fiscaux. Par ailleurs, May couperait les prolongations de prestations offertes dans certaines régions, diminuerait de façon importante les prestations aux familles à revenu élevé et serait plus exigeant à l’égard des conditions d’admissibilité pour primo-demandeurs de prestations d’assurance-chômage.

May et Gunderson ne préconisent pas l’adoption de l’une ou l’autre de ces approches, mais expliquent que le système d’assurance-chômage a besoin d’une révision complète semblable à celles des deux propositions susmentionnées. Le débat devrait porter sur des questions fondamentales, disent-ils, et non sur des rajustements mineurs du système actuel.

Comme le note Crowley, «Cette étude fait état des lacunes du projet de réformes proposé par le fédéral et mesure ces lacunes aux termes d’une analyse claire des pierres d’achoppement du système d’assurance-chômage qui entravent le développement économique durable.»

 

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